Une pluie de six milliards de dollars est en suspens au dessus de la Guinée: le géant anglo-australien Rio Tinto compte investir cette somme pour exploiter le minerai de fer du Mont Simandou mais se heurte à un désaccord avec le gouvernement de ce pays parmi les plus pauvres.
Les autorités de Conakry ont annulé en août la concession sur ce site situé dans la région de la Savane, en Haute Guinée. Et d'âpres négociations se poursuivent, sur fond de crise financière et de menace de récession économique mondiale. Objectif: mettre en production une des plus importantes réserves de minerai de fer au monde, 2,25 milliards de tonnes.
"Les discussions ont été engagées sur de bonnes bases mais les frictions ne manquent pas de se présenter. Les choses ne sont pas toujours ce que nous voudrions qu'elles soient. Il y a des évolutions qui se dessinent qu'il faut corriger", assure à l'AFP le ministre guinéen des Mines, Louncény Nabé.
Mais il s'empresse d'ajouter: "Ils souhaitent continuer en Guinée et nous souhaitons que Rio Tinto continue d'évoluer en Guinée". Selon lui, les "problèmes tournent essentiellement autour de la rétrocession (d'une partie de la concession à l'Etat) et de la communication des résultats de recherche".
"Ces deux problèmes sont en passe d'être résolus et une solution sera trouvée", espère-t-il.
Les enjeux pour ce pays d'Afrique de l'ouest de neuf millions d'habitants, dont 53% de la population vit au dessous du seuil de pauvreté, sont énormes. Même si, à ce jour, l'exploitation du sous-sol (la Guinée est le premier exportateur mondial de bauxite) n'a guère profité aux habitants en raison d'une gestion calamiteuse et d'une corruption généralisée depuis l'indépendance de la France en 1958.
"Un décret (présidentiel) a annulé la concession telle qu'elle existait. Mais le gouvernement n'a pas dit: +on ne veut plus de Rio Tinto+", précise le ministre guinéen.
La concession qui vient d'être annulée faisait 738 Km2. "Normalement, c'est 50% (qui doit être rétrocédé) mais on finit toujours par se mettre d'accord, le gouvernement n'est pas fermé sur cette question", conclut le ministre.
Du côté de Rio Tinto, on se dit "optimiste" tout en restant ferme. "Nous nous sommes conformés à toutes les loi guinéennes. On est optimiste et on est ouvert à la discussion transparente avec l'Etat", explique le chargé de communication du groupe à Conakry Jordan Feilders.
Sur la base des accords passés, "nous avons investi 300 millions de dollars et d'ici la fin de l'année, nous aurons investi près de 400 millions de dollars dans les travaux d'exploration", rappelle-t-il.
Le géant minier veut en conséquence "garder la concession entière afin de rentabiliser sur le long terme l'investissement" de six milliards de dollars nécessaire, qui comprend une ligne de chemin de fer de 700 km, un port minéralier et la construction de la mine.
Rio Tinto assure avoir déjà en 2000 rétrocédé 50% des surfaces d'exploration à l'Etat, soit 738 km2. "Pour que ce projet soit économiquement fiable, il faut une grande production à grande échelle", insiste M. Feilders. La production doit débuter en 2013 et s'élever à 70 millions de tonnes par an.
A partir de cette date, le géant minier promet par an à la Guinée 300 millions de dollars en royalties, 20 millions de dollars en fonds de développement local et des milliards de dollars d'impôts.
Concernant la communication des informations au autorités, "tous les mois, on soumet au ministère des mines un rapport de nos activités géologiques", assure M. Feilders.
Selon lui, "pour encourager l'investissement international" en Guinée, il faut "garder la stabilité juridique dans les contrats récents dans le secteur minier".
Me alpha Diallo, avocat de plusieurs sociétés minières opérant en Guinée renchérit: "Si quelqu'un investit des milliards et des milliards, il a besoin d'être sécurisé. Et la sécurité, ce n'est pas la renégociation (des contrats) tous les matins".