A l'instar de ses grands voisins européens, l'Allemagne est rattrapée par la récession, comme le suggèrent des chiffres publiés mercredi, à même de relancer les pressions sur la Banque centrale européenne pour une baisse des taux directeurs.
Pour la quatrième fois consécutive, le baromètre de confiance Ifo est tombé en septembre, de 94,8 à 92,9 points, décevant de nouveau les attentes.
Le climat des affaires, indicateur fiable de l'état présent et à venir de la première économie de la zone euro, "poursuit sa descente à pas de géant", constate le président de l'institut Hans-Werner Sinn.
Plus de doute, "l'Allemagne est en route pour la récession", traduit Andreas Scheuerle, économiste à la DekaBank, un avis largement partagé par les experts.
Après avoir baissé de 0,5% au deuxième trimestre, le Produit intérieur brut va sans doute accuser une nouvelle contraction de sa croissance au troisième, entrant ainsi en récession technique.
La crise financière, qui a redoublé d'intensité après l'effondrement du secteur bancaire américain il y a une semaine, le ralentissement de l'économie mondiale -marquée par la fébrilité de deux partenaires commerciaux majeurs, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne-, le crédit qui se fait plus rare: pour les 2.000 entrepreneurs interrogés par Ifo, les points négatifs l'ont sans conteste emporté sur les positifs, à savoir la baisse des prix du pétrole et la dépréciation de l'euro face au dollar.
L'Allemagne rejoint ainsi ses grands partenaires de la zone euro. En France, la confiance des industriels a plongé à son plus bas niveau depuis août 2003, selon des chiffres de l'Insee publiés aussi mercredi. En Italie, elle est repartie aussi à la baisse, après s'être stabilisée en août. Même tableau en Belgique.
Déjà la veille, la publication de l'indice composite des directeurs d'achats (PMI) de la zone euro, descendu en septembre à son plus bas niveau depuis novembre 2001, avait jeté un froid et renforcé les craintes de récession.
"Prises dans leur ensemble, toutes les informations sur l'économie représentent un bon argument en faveur d'un assouplissement prochain de la politique (de taux) de la BCE", estime Sunil Kapadia, économiste chez UBS.
L'inflation, souci numéro un de la BCE, reste élevée (3,8% en août). Mais une économie à la peine et la poursuite attendue du repli des prix de l'or noir devraient la faire progressivement rentrer dans le rang. Les risques de spirale inflationniste nourrie par des salaires élevés paraissent limités, alors que le marché de l'emploi en Europe s'affaiblit.
Les banquiers centraux semblent d'ailleurs adoucir leur message, et même Axel Weber, le président de la Bundesbank, pourtant connu pour son orthodoxie monétaire. "L'économie est dans une phase de faiblesse, nous en avons pris la pleine mesure", a-t-il déclaré mardi soir, non sans souligner que l'inflation restait un problème.
La BCE avait remonté son principal taux directeur en juillet, d'un quart de point à 4,25%, un geste controversé, mais il s'agissait pour l'institution de faire barrage à la flambée des prix qui dévore le pouvoir d'achat des ménages.
Avec la dégradation rapide de l'économie, elle est susceptible de renverser la vapeur plus tôt qu'envisagé il y a quelques semaines. "Il devient de plus en plus probable que la BCE va assouplir sa politique dès cette année", estime Jörg Lüschow, de la WestLB.
Le président de la BCE Jean-Claude Trichet pourrait donner quelques indications dans ce sens jeudi prochain, lors de sa traditionnelle conférence de presse mensuelle, qui sera suivie avec une attention toute particulière.