Voici des réactions d'économistes après l'annonce vendredi d'une stabilisation des prix à la consommation en août et d'une hausse de 3,2% sur un an.
- Alexander Law (Xerfi):
La désinflation a commencé et se poursuivra au cours des 12 prochains mois.
Les prix à la consommation ont reculé de 0,2% en données corrigées des variations saisonnières en août, portant le glissement annuel à 3,2%, soit 0,4 point de moins qu'en juillet. Bien entendu, ce niveau est très loin d'être satisfaisant mais la modération se poursuivra sur fond daccalmie des cours des matières premières. Au fond, l'inflation, après avoir été l'un de NOS principaux maux, pourrait devenir une sorte de bouée de sauvetage pour l'économie française. En effet, la progression moins rapide des prix pourrait venir à la rescousse d'un pouvoir d'achat qui est désormais sous la menace de la dégradation de la situation sur le marché de l'emploi.
Attention toutefois, même si les prix des matières premières refluent, la diffusion aux consommateurs français sera progressive. D'une part, il y a toujours un temps de latence entre la baisse des cours au jour le jour et leur répercussion sur les prix à la production (et donc sur les prix à la consommation) du fait des contrats d'approvisionnement. D'autre part, avant de restituer le repli aux consommateurs, les entreprises seront tentées de reconstituer au moins partiellement leurs marges.
Cela étant, force est de constater que le passage en quelques semaines du cours du baril de 147 à 100 dollars constitue une vraie bouffée d'oxygène. En août, les prix des produits pétroliers ont ainsi reculé de 5,7% par rapport à juillet. Certes, le glissement annuel reste très pénalisant (+21,5%), mais il s'agit de son plus bas niveau depuis avril.
Pour leur part, les prix des denrées alimentaires reculent nettement (-1,2%). On peut bien entendu y voir un effet saisonnier traditionnel, mais aussi la résultante d'une demande particulièrement molle, faute de pouvoir d'achat suffisant.
Ce qui est rassurant également, c'est que l'inflation sous-jacente (hors produits à prix volatils) reste remarquablement stable à 2%. Cela signifie que les effets de second tour (c'est-à-dire la répercussion de la hausse des prix des matières premières sur l'ensemble des postes de consommation et sur les salaires) qui avaient été tant redoutés ont été évités dans l'Hexagone. On pourra y voir les effets de la politique monétaire pour le moins prudente de la BCE. On observera également que la baisse de l'emploi salarié en France ne constitue pas un terreau propice pour les revendications salariales.
Comme toujours, l'économie française bénéfice également largement de la désinflation sur les produits manufacturés, pour lesquels le glissement annuel n'atteint que 0,2%. La forte intensité concurrentielle mondiale, les progrès technologiques et la vigueur de l'euro en sont les principaux déterminants. Et il n'y a pas de raison que le mouvement s'interrompe prochainement: les fondamentaux indiquent que l'euro ne poursuivra pas longtemps sa glissade face au dollar. C'est certes un lourd handicap pour nos industriels, mais il s'agit également d'une aubaine pour les consommateurs.
Il y a donc tout lieu d'être rasséréné par la publication de ce jour. Ce sera malheureusement bien insuffisant pour relancer la croissance d'ici à la fin de l'année, mais une lente remontée en régime en 2009 est aujourd'hui tout à fait envisageable. Nous anticipons ainsi une hausse du PIB de 1,1% en 2008 et de 1,3% l'année prochaine.
- Mathieu Kaiser (BNP Paribas):
L'inflation a commencé à reculer en août, dans le sillage des cours pétroliers et agricoles qui expliquent l'essentiel des fluctuations des prix à la consommation depuis plus d'un an. Sur le mois d'août, l'indice d'ensemble des prix à la consommation est resté stable, la franche modération des prix de l'énergie et de l'alimentation compensant l'effet de la sortie des soldes et la hausse du prix du tabac du 18 août. C'est donc grâce à des effets de base favorables que l'inflation (i.e. le glissement annuel des prix) a perdu du terrain. A 3,2% en données nationales, elle a baissé de 0,4 point par rapport à juillet, revenant à son niveau d'avant l'été. En données harmonisées au niveau européen (IPCH), le glissement annuel des prix à la consommation a reflué encore davantage (-0,5 point à 3,5%). L'inflation sous-jacente (i.e. hors composantes volatiles) est demeurée contenue à 2%: on attend toujours les effets de second tour.
Concernant les prix de l'énergie, la baisse des cours pétroliers depuis la mi-juillet a commencé à transparaître seulement en août dans l'indice des prix en raison de retards classiques entre le marché et les prix à la pompe. Mais elle a été si rapide qu'elle a fait plus que compenser la hausse des tarifs de l'électricité (+2%) et du gaz (+5%) appliquée le 15 août.
La poursuite du reflux des cours des matières premières jusqu'à début septembre continuera à peser sur l'IPC jusqu'en octobre. Ensuite, même si ce déclin s'arrêtait au niveau atteint début septembre, les effets de base favorables générés par l'accélération des cours fin 2007 continueraient de tirer l'inflation à la baisse. En outre, la modération de l'activité pourrait peser sur l'ensemble des prix à la consommation et se traduire par une inflation sous-jacente de nouveau sous 2%. Au total, l'inflation pourrait s'établir autour de 2,5% fin 2008. Etant donné l'évolution très défavorable du marché du travail, cela pourrait cependant ne pas suffire à relancer la consommation dans l'immédiat.